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Transition énergétique en Algérie : consommer moins pour produire mieux

En Algérie, comme partout ailleurs, l’énergie a toujours été au centre des préoccupations du gouvernement. D’autant plus que dans ce pays pétrolier, également grand producteur de gaz, le prix de l’énergie figure parmi les moins chers au monde. Ce qui a pour effet très pervers d’encourager des habitudes comportementales, et ce à tous les niveaux de la société algérienne, qui débouchent inexorablement sur d’énormes gaspillages et pertes d’énergie.
L’Algérie s’avère d’autant plus vulnérable en matière de gouvernance énergétique, qu’elle l’est également au regard de la piètre qualité de son utilisation de l’énergie. M. Attar, l’actuel ministre de l’énergie, dans une récente déclaration publique, s’est interrogé quant à « la nature [de ses] usages du point de vue de la production de valeur ajoutée ». En d’autres termes, le pays ne génère pas de valeur ajoutée suffisamment importante pour justifier une consommation d’énergie aussi conséquente. 1
Ainsi, d’après les chiffres publiés par le ministère de l’énergie pour l’année 2015, la consommation énergétique finale nationale a atteint pas moins de 35,2 millions de TEP pour une population résidente de 40.4 millions d’habitants.

Certes, si l’on se contente de juger la chose du seul point de vue de la moyenne annuelle de tonne équivalent pétrole consommé par habitant, ou bien même au regard de la consommation d’énergie par foyer, il est tout à fait possible de considérer que l’Algérie, à première vue, est bien en dessous des normes mondiales.
Mais, dès lors que l’on soumet cette consommation au critère de l’intensité énergétique, c’est à dire de la quantité d’énergie qu’il faut à ce pays pour produire un dollar de P.I.B, on se rend compte de la faible efficience ainsi que de la préoccupante répartition énergétique de son économie ; encore peu diversifiée pour l’instant, mais dont le développement avenir dépend considérablement de cette condition.
D’autant que dans la majorité des pays qui se sont engagés dans une transition énergétique plus opérationnelle, cette intensité énergétique à tendance à baisser sensiblement. Tandis qu’en Algérie, bien que stationnaire depuis quelque années, elle accuse une augmentation qui jure pour l’instant avec les ambitions affichées par le gouvernement.
L’essentielle de l’énergie (41%) est consommée par le secteur du transport, suivi par le secteur résidentiel qui consomme 31 % de l’énergie totale, l’industrie manufacturière vient en troisième position seulement et consomme à peine 15% du total de l’énergie nationale.
La consommation finale a augmenté avec un taux de 6.4%/an tandis que, avec un taux de 7,4% /an, le secteur résidentiel est celui où la consommation énergétique a observé la plus grande croissance.
Avec une telle progression, en 2018, la croissance de la consommation totale du secteur résidentiel a de ce fait atteint les 17,637 Mtep. En totalisant ainsi 36% de la consommation énergétique finale, il détrône le transport de son statut de secteur le plus énergivore.2
Cette consommation énergétique résidentielle considérable et conséquente, est le résultat de la convergence de plusieurs facteurs. A l’exemple notamment de l’importation de divers électroménagers si peu enclins à l’économie ou à l’efficacité énergétique. En effet, ces derniers n’obéissent pas aux exigences règlementaires du décret exécutif de 2005, des appareils non performants énergétiquement, ni à aucune norme d’efficacité énergétique. Utilisés par plus de 43 millions d’habitants, avec un parc de logements de plus de 8 millions d’unités et un apport annuel de plus de 100 000 nouveaux logements, il est très aisé de comprendre l’ampleur du gouffre, mais aussi de percevoir l’immense gisement potentiel d’économies d’énergie.

Pour faire face à une telle situation, l’Etat algérien s’est outillé d’un véritable dispositif national pour la maitrise de l’énergie. Cette action s’articule par voie règlementaire, le fonds national pour la maitrise de l’énergie (FNME), le comité intersectoriel de la maitrise de l’énergie (CIME) ainsi que l’agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie (APRUE) 3. Plus récemment, la création du ministère de la transition énergétique et des énergies renouvelables semble confirmer l’engagement de la gouvernance algérienne pour endiguer toute forme de gabegie énergétique.
Lors d’une intervention accordée à la Chaîne III de la Radio algérienne, le ministre de la transition énergétique et des énergies renouvelables le Pr. Chems-Eddine Chitour déclare qu’«il est important de savoir où on est pour savoir où aller et, pour cela, on doit connaître nos potentialités». Ce dernier estime qu’il faut dire la vérité aux citoyens, qui doivent savoir qu’«en matière de consommation d’énergie, nous vivons au-dessus de nos moyens»4.

Le même ministre et professeur annonce qu’aujourd’hui l’Algérie est astreinte à «un cap, ouvrant la voie vers le futur, sur la base d’une rationalisation des dépenses et «de création de richesse en consommant moins et mieux»4.

Il est donc primordial de mettre en place une stratégie de transition et d’efficacité énergétique de qualité et non pas seulement de quantité.
Une stratégie qui doit être pensée pour chaque ville, prendre en considération dans son bilan énergétique l’immensité, la diversité du territoire nationale ainsi que la nature aride et semi-aride d’une large partie du Climat. De la même manière, cette vison doit impliquer la diversité des sources d’énergies renouvelables disponibles sur le territoire algérien ; à l’instar de l’éolien, de la géothermie, de la valorisation des déchets, de la biomasse ainsi que du solaire photovoltaïque, mais aussi du thermique.

L’isolation thermique et la sobriété énergétique des bâtiments constituent aussi un autre grand chantier de l’Algérie dans ce domaine. A ce propos, sont des leviers importants de l’efficacité énergétique, le choix des matériaux de construction, de même que la stricte application de la réglementation par le secteur du bâtiment des documents techniques réglementaires (DTR) (élaborées en 1997) et bien entendu le contrôle rigoureux du secteur par un audit performant et indépendant.
Si l’Algérie veut réussir son pari de transition énergétique d’ici 2030, le pays doit opter pour une transition holistique où l’aménagement du territoire joue un rôle tout aussi prépondérant que les défis de la sobriété et de l’efficacité énergétique. Particulière au pays, spécifique à
chaque région d’Algérie, il s’agit d’une transition qualitative, rationnelle, qui devra produire à l’avenir bien plus de qualité de vie avec beaucoup moins de quantité d’énergie et non plus le contraire…

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